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Marc-Antoine Charpentier

Marc-Antoine Charpentier
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5 novembre 2008

Qui est Marc-Antoine Charpentier

En cette année de commémoration du trois centième anniversaire de son décès, cette question est sur les lèvres de tous les musiciens et de tous les mélomanes, et pourtant nous n’avons, pour l’heure, pas de réponse satisfaisante à cette question. Charpentier est un personnage qui n’a laissé de trace que par sa musique. Et c’est peut-être cette absence de personnage physique, l’absence d’un être humain, fait de chair et d’os, qui rend le “cas Charpentier” si particulier, si difficile à saisir et tout compte fait à comprendre. La date exacte de la naissance de Charpentier n’est pas connue, mais depuis les travaux de Patricia Ranum (septembre 1986), l’année 1643 est généralement admise par l’interprétation de “l’inventaire après décès” de Louis Charpentier, qui date du 16 janvier 1662 et qui renseigne un “fils dénommé Marc-Antoine, âgé de dix-huit ans ou environ”. Le père de Marc-Antoine, Louis Charpentier, descendait très probablement d’une famille dont certains membres avaient été officiers des maisons de Guise et d’Orléans et était maître copiste dont les fonctions consistaient à la fois en expertises de faux et en travaux d’écriture. Louis avait hérité d’une maison dans le Nivernais, duché des Gonzague de Nevers, cousins de Melle de Guise. La famille Charpentier évoluait donc déjà bien avant la naissance de Marc-Antoine, dans l’orbite du puissant milieu des Guise, ce qui semble expliquer la protection dont Marc-Antoine jouira plus tard. Marc-Antoine Charpentier eut deux frères et trois soeurs. L’un de ses frères, Armand-Jean embrassa le même métier que son père alors que nous ignorons ce qu’est devenu l’autre. Sa soeur aînée, Elisabeth, épouse en août 1662 Jean Edouard, Étiennette est devenue “maîtresse lingière” et Marie sera religieuse à Port-Royal de Paris. Son parcours musical Nous ne savons rien sur l’enfance de Marc-Antoine Charpentier, ni de son premier apprentissage de la musique. L’hypothèse d’un apprentissage en autodidacte est parfois évoquée, de même que la possibilité d’avoir, à partir de 1662, pu bénéficier des leçons de Jean Edouard, instrumentiste et maître à danser qui épousa le 24 août 1662 Elisabeth, la soeur aînée de Marc-Antoine. En 1665, il part pour Rome où il demeure trois ans. Son maître y sera Carissimi dont il adoptera beaucoup. Il y sera également impressionné par la plurichoralité pratiquée à Rome et si peu connue en France. Lorsqu’il composera plus tard sa “Messe à quatre chœurs” H.4, il créera une oeuvre tout à fait unique dans la musique française. D’Italie, il ramènera aussi les histoires sacrées, un genre pratiquement inconnu en France. C’est vers 1670 qu’il revient de Rome pour s’installer chez Marie de Lorraine, princesse de Joinville, duchesse de Joyeuse et duchesse de Guise. C’est pour cette maison, que Charpentier composera ses premiers chefs-d’œuvre, comme par exemple la Messe pour les Trépassés H.2. Molière s’étant brouillé avec Lully, il s’adresse en 1672 à Charpentier pour le remplacer. Cette année là, le théâtre du Palais Royal reprend Le Mariage forcé avec la nouvelle musique de Charpentier et Le Malade imaginaire est créé le 10 février 1673. Au cours des années 1680, des couvents de religieuses comme l’Abbaye-aux-Bois et Port-Royal de Paris commandent plusieures œuvres à Charpentier, comme en témoignent Les Mélanges où plusieurs pièces portent la mention : Pour le Port-Royal. 1683 : le fameux concours de Versailles Tout le monde connaît ce fameux épisode que fut le concours de 1683. Désirant renouveler la musique de la cour, le roi Louis XIV remercie les sous-maîtres de musique encore en fonction et fait venir les meilleurs maîtres de chapelle en poste en France pour faire un concours de recrutement. Au départ, trente-six candidats arrivent, dont entre autre Marc-Antoine Charpentier et aussi Henri Desmarest. Les grands du royaume ont tellement fait pression sur le roi, pour qu’il reçoive leur candidat, que le roi eut toutes les peines du monde à imposer “son candidat” qui était Michel-Richard de Lalande. A ce moment, Charpentier était déjà un compositeur reconnu et bien en vue, et un engagement à la cour eut été une suite logique de son ascension. Pourtant, une maladie subite et grave, le fit déclarer forfait pour la mise en loge. Néanmoins, Charpentier eut une très belle revanche, car quelques mois après ce concours, la cour est endeuillée par le décès de la reine Marie-Thérèse et c’est à lui qu’on viendra demander d’écrire des pièces de circonstance. Il composera une superbe histoire sacrée sur la mort de la reine, un motet et le De profundis H.189. Le roi Louis XIV a néanmoins déjà rencontré la musique de Charpentier deux ans plus tôt, lorsque se rendant en avril 1681 à Saint-Cloud, il “congédia toute sa Musique et ne voulait entendre que celle de Monseigneur le Dauphin” qui exécutait durant la messe les motets composés par Charpentier. Charpentier chez les Jésuites En 1688, la vie de Charpentier prend un nouveau tournant, puisque Mademoiselle de Guise s’éteint, non sans avoir, au préalable, recommandé notre compositeur aux Jésuites. Charpentier devient donc maître de musique du collège Louis-le-Grand qui se trouve rue Saint-Jacques, puis de l’église Saint-Louis, rue Saint-Antoine. Il faut spécifier toutefois que ces engagements en faveur de Charpentier ne sont que la consécration d’une longue collaboration puisque la première œuvre qu’il destine aux Jésuites, le Salve Regina pour les Jésuites H.27 remonte à l’année 1680. Le 4 décembre 1693, alors qu’il est toujours encore employé chez les Jésuites, il fait représenter son unique tragédie lyrique Médée à l’Académie royale de musique. Cette tragédie lyrique, dont le livret est de Thomas Corneille, ne connut cependant qu’un faible succès d’estime et ne sera jamais reprise ultérieurement. Charpentier à la Sainte-Chapelle Le 28 juin 1698, Charpentier est nommé maître de muisque des enfants de la Sainte-Chapelle du Palais, l’une des institutions les plus importantes de la capitale. Il était logé dans la maison de la maîtrise et ses fonctions consistaient à participer à tous les offices du lieu. Il devait également composer la musique pour les grandes cérémonies, enseigner aux enfants le chant, le solfège, le plain-chant et le chant sur le livre. L’ensemble de la maîtrise, enfants et adultes, pouvait atteindre vingt-cinq personnes, auxquelles s’adjoignaient pour les cérémonies extraordinaires des musiciens extérieurs. C’est en tant que maître de musique de la Sainte-Chapelle qu’il s’éteint le 24 février 1704. Voici donc, en quelques lignes, son parcours musical. Et ce parcours est en même temps la seule chose que nous connaissons de Charpentier. Si on le compare avec un Henri Desmarest, dont la vie extrêmement mouvementée est connue dans le moindre détail, Charpentier est un personnage d’une discrétion telle, qu’il semble ne pas avoir vécu. Même les registres de la Sainte-Chapelle, qui regorgent de rappels à l’ordre ou de recommandations plus ou moins sévères adressées aux différents membres du personnel et des résidents, restent muets sur le cas Charpentier. Alors que son prédécesseur direct, Chaperon, y est mentionné à plusieurs reprises pour ses manquements ou sa conduite, le nom de Charpentier n’apparaît que deux fois dans le registre : lors de sa nomination et à son décès. Entre ces deux dates, il a dû mener une vie tout à fait conforme aux exigences du chapitre. Les pérégrinations d’un manuscrit Il ne nous reste donc, du moins au stade actuel des recherches historiques et musicologiques, que son œuvre, nous conservée pour la majeure partie en autographes : un corpus de quelques 28 volumes, appelés Mélanges, et que l’éditeur Minkoff est sur le point de publier intégralement en fac-similé. Or, même la conservation de ce corpus tient du miracle. En 1709, soit cinq années après la mort de Charpentier, Jacques Edouard, libraire et éditeur à Paris, décide de publier un recueil de douze petits motets intitulé : MOTETS MELÊZ DE SYMPHONIE COMPOSEZ PAR MONSIEUR CHARPENTIER Maître de Musique de la Sainte Chapelle de Paris. Dédiez à Son Altesse Royale MONSEIGNEUR LE DUC D’ORLEANS. Il faut savoir que Jacques Edouard était le neveu de Charpentier et unique héritier de son oncle. Il était donc en possession de tous les volumes des Mélanges. La parution de ce volume était censée raviver la mémoire de Charpentier, car à cette époque déjà, celui-ci était tombé dans l’oubli le plus total. De plus, n’ayant pas les moyens pour la publication des grandes œuvres, Jacques Edouard résolut de publier des petits motets, peut-être plus faciles à vendre, du moins à faire chanter, tout en espérant que le succès de ce premier volume lui donne l’occasion de poursuivre avec d’autres. Le succès pourtant ne vint pas et il n’y eut pas de suite. Au vu du manque d’intérêt pour cette musique, le neveu se résoud à mettre tout le corpus manuscrit en vente. Et pour une fois, l’on peut dire que l’insuccès de cette opération était la grande chance de Charpentier. En effet, n’ayant pas trouvé d’acquéreur, Jean Edouard remettra le 20 novembre 1727, contre la modique somme de 300 livres, tout le corpus des Mélanges à la Bibliothèque du roi.
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4 novembre 2008

Magnificat H.77

affiche_LouangeLe culte marial ayant de tout temps été très populaire, il n’est guère étonnant que Charpentier ait composé pas moins de dix Magnificat et ce pour les formations les plus diverses. Le Magnificat H.81 fut destiné aux religieuses de Port-Royal de Paris et le Magnificat H.75, à trois dessus et basse continue fut composé pour les chanteuses de l’Hôtel de Guise. Le Magnificat H.73, quant à lui, est construit sur une basse obstinée et est l’une des compositions les plus intéressantes de l’ensemble. Les sept autres Magnificat font tous appel au chœur, voire au double chœur comme le Magnificat H.74 à huit voix et huit instruments. Composé dans les années 1688-1690, le Magnificat H.77 est donc l’un des plus développés. Comptant 413 mesures, il requiert deux haut-dessus, une haute-contre, une taille et une basse, un chœur à quatre voix, deux flûtes obligées, un orchestre de cordes à quatre parties ainsi que la basse continue. Charpentier a divisé le texte liturgique (dix versets plus la doxologie) en sept sections qu’il fait précéder d’un prélude instrumental. A__CharpPr_lude_1PréludeA__CharpPr_lude_4 Ce prélude n’est pas une ajoute postérieure à l’occasion d’une éventuelle reprise de l’oeuvre, puisqu’il fait directement corps avec le Magnificat. Charpentier a noté le prélude sur des systèmes à quatre portées, en utilisant la clé de sol 1 pour le dessus (de violon et flûte), ut 1 pour la partie de haute-contre (de violon), ut 3 pour les tailles (de violon) et fa 4 pour la basse (de violon) et la basse continue. Bien que la nomenclature ne soit pas spécifiée en début de partie, Charpentier note assez précisément les changements d’effectif en opposant un “petit chœur” à “tous”. Ces changements s’accompagnent d’ailleurs toujours d’un changement d’écriture, le petit chœur étant réservé aux trios de deux dessus - 1 violon et 1 flûte par partie - et la basse continue sans les basses de violon. B__Magnificat_1MagnificatB__Magnificat_3 Après cette introduction du grand orchestre, le Magnificat s’ouvre sur une écriture de petit motet, à savoir les trois voix solistes (haute-contre, taille, basse) et la basse continue, ce qui ne manque pas de créer un contraste saisissant entre l’opulence du prélude et le dépouillement du texte sacré. Lorsque l’on se penche un peu sur ce premier trio, l’on est surpris par deux spécificités scripturales distinctes et presque contradictoires. D’un côté, l’on peut constater que Charpentier écrit ici une musique liturgique qui respecte scrupuleusement les recommandations d’intelligibilité du texte sacré émises par le Concile de Trente quelque cent ans auparavant, et ce même dans les développements plus contrapuntiques de la jubilation du second verset Et exultavit. De l’autre côté pourtant, l’on reste surpris par l’absence totale de toute référence au plain-chant. C__Quia_respexit_1Quia respexit Le Quia respexit est un merveilleux récit de dessus encadré par un trio instrumental composé de deux dessus de violon et de flûte et de la basse continue. Ici aussi, Charpentier sépare strictement le trio instrumental du récit. Cette courte page, un ¢ 3/2 en notation blanche, est l’une des pages les plus intimes et émouvantes de l’œuvre. D__Ecce_enim_01Ecce enimD__Ecce_enim_11 C’est le quatrième mouvement qui, après le récit de dessus - accompagné du traditionnel trio - fait entrer le chœur dans une puissante affirmation du Quia fecit mihi magna. Ce passage exprime, en une exposition fuguée extrêmement concentrée mais percutante, la puissance du Seigneur et la grandeur de Marie. Ici aussi, Charpentier oppose continuellement le grand chœur au petit et souligne l’importance du verset. E__Et_misericordia_01Et misericordiaE__Et_misericordia_19 Après l’ampleur et la véhémence du Qui fecit mihi magna, Charpentier retourne à un mouvement beaucoup plus calme pour dépeindre ce verset de miséricorde. C’est un duo fugué entre la taille et la basse avec la basse continue. Si sur le plan scriptural, Charpentier utilise ici un contrepoint extrêmement serré, sa réalisation vocale se révèle particulièrement aérée, de sorte que le texte reste toujours intelligible même si les imitations se suivent à moins d’une mesure. Après ce passage méditatif, chœur et orchestre entrent à nouveau avec force et vigueur pour déclamer Fecit potentiam in brachio suo. Charpentier quitte alors brusquement cette écriture homorythmique pour dépeindre la dispersion des puissants. Ce mouvement est d’ailleurs truffé de subtils madrigalismes qui traduisent au plus juste l’expression exacte de chaque verset et se termine par une volatilisation du tissu musical sur l’idée que les riches sont renvoyés les mains vides. F__Suscepit_Israel_1Suscepit IsraelF__Suscepit_Israel_3 Ce mouvement ne doit pas s’enchaîner directement au précédent, puisque Charpentier marque Suivez apres une grande Pause. C’est un récit de basse accompagné du trio habituel, noté en notation blanche, ¢ 3/2. G__Sicut_locutus_est_1Sicut locutus est C’est un trio pour deux dessus et basse avec la basse continue de facture contrapuntique que l’on peut déjà considérer comme une double imitation fuguée. La première, qui ne fait intervenir que les deux voix de dessus, est très brève et fait déjà figure de strette puisque les deux voix se suivent dans l’intervalle d’un temps. Sicut locutus est. La seconde Abraham et semini ejus est plus développée et va jusqu’à la fin du mouvement entrecoupée par un ravissant divertissement sur de puissantes pédales qui ramènent progressivement le ton principal de fa majeur. H__Gloria_Patri_01Gloria PatriH__Gloria_Patri_02 La doxologie est le mouvement le plus long puisqu’il fait 109 mesures et il s’ouvre par une brève symphonie. D’un caractère dansant, ce mouvement s’apparente à un menuet d’une écriture essentiellement homophonique, même si l’entrée du chœur fait d’emblée entendre une imitation à la quinte entre le dessus et la basse. Dans ce mouvement, Charpentier privilégie constamment l’alternance entre grand et petit chœur, ce qui confère la diversité à l’œuvre. L’œuvre se termine tout naturellement par une magnifique fugue, assez animée, sur le mot Amen. H__Gloria_Patri_17H__Gloria_Patri_18H__Gloria_Patri_19
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